Un article dépassionné et très intelligent, mais sans doute inaudible, publié dans le journal HAARETZ —– 𝗟’𝗢𝗕𝗦𝗘𝗦𝗦𝗜𝗢𝗡 𝗗’𝗜𝗦𝗥𝗔𝗘̈𝗟 𝗗’𝗔𝗦𝗦𝗔𝗦𝗦𝗜𝗡𝗘𝗥 𝗦𝗘𝗦 𝗘𝗡𝗡𝗘𝗠𝗜𝗦, 𝗗𝗘 𝗕𝗘𝗬𝗥𝗢𝗨𝗧𝗛 𝗔̀ 𝗧𝗘́𝗛𝗘́𝗥𝗔𝗡, 𝗣𝗥𝗢𝗩𝗢𝗤𝗨𝗘𝗥𝗔 𝗨𝗡𝗘 𝗚𝗨𝗘𝗥𝗥𝗘 𝗘́𝗧𝗘𝗥𝗡𝗘𝗟𝗟𝗘. par le journaliste arabe israélien Odeh BISHARAT – Israël se comporte avec ses ennemis arabes comme s’ils étaient une meute de loups : si l’on tue le mâle alpha, la meute se disperse. Je ne connais pas la source de cette obsession de tuer les dirigeants de ses ennemis – les Palestiniens, les Libanais et même les Iraniens – mais cette approche est fausse. Car les dirigeants sont un atout important, non seulement pour leur public naturel, mais aussi pour leur ennemi. Lorsque les parties parviennent finalement à des accords, il doit y avoir quelqu’un de l’autre côté pour les signer : il faut un leader que son opinion soutiendra, même s’il fait un virage à 180 degrés et passe de la confrontation à la conciliation. Par exemple, quel dirigeant palestinien -à part Yasser Arafat- aurait été capable de signer les accords d’Oslo, que beaucoup considéraient comme une renonciation aux principes même de la lutte palestinienne ? Seul Arafat, avec sa crédibilité et sa popularité, était capable de persuader les Palestiniens d’accepter un pareil accord. Et aujourd’hui, est-ce que quelqu’un dans la direction du Hezbollah acceptera un cessez-le-feu après l’assassinat de son chef ? Quiconque oserait le faire serait presque certainement perçu comme un traître de l’héritage de Hassan Nasrallah. Quand un leader est assassiné, le mal n’est donc pas seulement pour ses partisans, mais aussi pour la possibilité de parvenir à un accord avec l’autre côté. Alors qu’un accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah était presque à portée de main, d’après ce que disent les sources américaines et françaises, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander si le but de son assassinat par Netanyahu n’a justement pas été de l’empêcher. Pendant la première période de l’occupation américaine de l’Irak, l’administrateur américain du pays, Paul Bremer, a limogé plus de 30 000 commandants de l’armée irakienne sous prétexte qu’ils étaient loyaux au régime dictatorial de Saddam Hussein. Résultat ? Certains de ces commandants sont devenus la fondation de l’État islamique. Les décideurs israéliens n’ont-ils pas pris cela en compte lorsqu’ils ont ordonné l’assassinat d’une flopée de commandants du Hezbollah ? Peut-être pensaient-ils plutôt au chaos que risquait d’entraîner un Liban divisé lorsque les soldats, en l’absence de commandants, sont libres de faire ce qu’ils veulent. Cela n’a-t-il pas été discuté lorsque la décision d’écraser la direction du Hezbollah a été prise ? Il y a un dicton bien connu qui dit que la seule chose que nous apprenons de l’histoire, c’est que nous n’apprenons rien de l’histoire. Après tout, nous avons déjà expérimenté cette même voie avec l’assassinat d’Abbas al-Moussaoui en 1992. [NOTE : secrétaire général du Hezbollah, assassiné par les forces armées israéliennes]. Il fut remplacé comme chef du Hezbollah par Nasrallah, lequel a élargi les capacités de l’organisation de façon exponentielle ! Environ deux ans plus tard, 85 personnes ont été tuées et des centaines d’autres ont été blessées dans le bombardement du centre communautaire juif AMIA à Buenos Aires en Argentine. Avec la réussite apocalyptique des explosions de « pagers » et de talkie-walkis qui lui ont été attribuées – ce qui a suscité la fierté nationale des gauchistes avant celle des gens de droite – , et avec les «frappes précisément ciblées» contre les dirigeants du Hezbollah, dans lesquelles des centaines de civils libanais sont morts -, Israël apparaît comme un État qui projette la force, et seulement la force. === [ Suite et fin de cet article dans le tweet suivant ] —
[ Suite et fin de l’article ] Aujourd’hui, la Grande Amérique s’efforce assidûment de signer un nouvel accord d’armement nucléaire avec l’Iran, et Israël parle déjà de la prochaine cible de l’assassinat – l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de l’Iran. Au lieu du dialogue, il y a des assassinats ciblés, et l’horreur tombe sur les nations environnantes. Mais l’horreur ne s’arrête pas aux frontières. Il les traverse. Il suffit de regarder les parents des otages : chaque cri de joie qu’ils entendent sur la mort de Nasrallah fait plonger leur cœur dans l’angoisse pour le sort de leurs proches qui pourrissent dans les tunnels de la bande de Gaza. Dans « Le Parrain III », Michael Corleone (Al Pacino) souhaite être un homme bon, quelqu’un qui serait «si aimé» au lieu d’être «si craint». Mais il ne se repent pas. Israël a choisi d’être Michael Corleone. Il terrorise tout ce qui l’entoure, mais le résultat en est des guerres sans fin, et tout son environnement qui le rejette. ====== Source : haaretz.com/opinion/2024-0…